Quelles sont les crises les plus médiatisées ? Cette question n’a jamais trouvé de réponse, bien qu’elle soit importante dans la communication de crise. En effet, ce sont principalement les médias qui font ou défont la réputation de votre entreprise (voir notre blog sur la réputation).

Et si une crise au sein de votre propre organisation se présente toujours comme une « situation de vie ou de mort », ce n’est pas nécessairement le cas pour le monde extérieur et les médias. Certaines crises frappent les entreprises au cœur de leur réputation, d’autres passent presque inaperçues.

Pour la première fois, nous avons étudié les types de crises qui reçoivent le plus d’attention dans les médias belges (*).

Dans notre étude, nous avons examiné plusieurs groupes de crises :

  • restructurations : licenciements, fermetures, grèves, loi Renault
  • les rappels de produits et autres défauts de produits
  • fraudes : détournements de fonds, usure, fautes professionnelles, falsification
  • comportements transgressif : y compris #metoo et harcèlement moral
  • accidents industriels
  • cyberincidents : ransomware, piratage, violations de données, phishing,…

Nous avons ensuite cherché dans (*) De Tijd et L’Echo à quelle fréquence ce type de crise est apparu au cours des 12 derniers mois (ce que l’on appelle la « saillance » des crises), et dans quelle mesure les entreprises sont « blâmées » pour ce type de crise (« attribution »).

Ces deux facteurs sont très importants pour les professionnels de la communication, car ils leur permettent de prévoir l’impact d’une crise et, partant, d’y réagir correctement.

La communication de crise dans les médias belges : quelle est la fréquence des crises ?

1. Restructurations

Les restructurations sont de loin celles qui reçoivent le plus d’attention dans les médias, tant dans les régions néerlandophones que francophones.

L’année dernière, près de 3 articles ont été publiés chaque jour dans De Tijd et L’Echo sur les restructurations et les grèves. Soit un total de 1009 articles en un an.

Il s’agissait notamment de licenciements technologiques importants et de grèves à la SNCB, chez De Lijn et chez Ryanair.

Des recherches antérieures menées par FINN ont déjà montré que les licenciements collectifs deviennent très rapidement dignes d’intérêt, dès les séries de licenciements de 20 à 30 personnes. Très souvent, ces informations sont diffusées par les correspondants régionaux, avant d’être reprises par les éditions nationales, puis par des agences de presse telles que Belga ou des médias nationaux.

Les restructurations et les grèves devraient donc faire partie intégrante de tout plan de communication de crise.

Les restructurations sont également importantes parce qu’elles créent souvent une situation de conflit autour d’elles. Les entreprises doivent négocier un plan social avec les syndicats, et ces derniers (parfois aidés par des politiciens) essaieront de nuire le plus possible à leur réputation pour obtenir des concessions plus importantes dans le cadre du plan social.

La communication sur les restructurations et les licenciements collectifs fait l’objet d’une grande attention de la part des entreprises. La mesure dans laquelle les entreprises ou la direction sont « tenues pour responsables » des restructurations est très variable : elle va d’une attitude plutôt neutre à une attitude plutôt désapprouvée.

Il est donc très important, dans ces cas, de trouver le bon fil conducteur : les entreprises doivent démontrer de manière crédible, d’une part, que la crise était inévitable (crise de la « victime ») et, d’autre part, exprimer de manière tout aussi crédible leur foi dans l’avenir de l’entreprise.

2. La fraude

Notre étude montre que les cas de fraude sont également très rapidement dignes d’intérêt.

C’est assez surprenant. La fraude, le détournement de fonds et la falsification sont généralement couverts par un plan de communication de crise, mais ils ne sont pas toujours au premier plan des préoccupations. La plupart des entreprises supposent (à juste titre) que leurs employés sont intègres.

Mais pour les médias, ces histoires sont naturellement très intéressantes. Par exemple, des histoires individuelles concernant des infirmières qui commettent des vols ou des employés de banque qui détournent de petites sommes de leurs clients deviennent aussi intéressantes que des affaires d’escroquerie portant sur plusieurs millions de dollars.

3. Comportements transgressifs

Les comportements transgressifs font l’objet d’une grande attention, non seulement dans les pages d’actualité, mais aussi souvent dans les pages d’opinion.

Cela s’inscrit dans une tendance sociale où le bien-être gagne en importance et où la responsabilité du bien-être des employés repose également sur l’employeur.

À notre avis, cet aspect est encore trop peu pris en compte dans les plans de communication de crise des entreprises. Or, les médias s’intéressent très vite à la direction de l’entreprise. Et très vite, la question se pose : « que saviez-vous et quand l’avez-vous su ? ». Les médias sont prompts à blâmer le top management – la direction et même le conseil d’administration – pour le comportement transgressif et le harcèlement.

Ce faisant, les questions suivantes occupent le devant de la scène :

  • Y a-t-il eu des plaintes antérieures ?
  • Comment l’entreprise a-t-elle traité ces plaintes ?
  • Qu’a fait l’entreprise avec la personne qui a déposé la plainte ?
  • Quelle culture la direction de l’entreprise instaure-t-elle (y a-t-il eu des plaintes contre la direction elle-même) ?

Une crise liée à un comportement transfrontalier peut très rapidement se transformer en marée noire – qui est également hautement inflammable.

4. Crise cybernétique

Les violations de données sont l’un des incidents les plus courants pour les organisations du monde entier. Sur le plan opérationnel, elles ont également un impact très lourd : les entreprises peuvent parfois rester inactives pendant des semaines à cause d’un ransomware, par exemple.

Mais pour les médias, elles sont en fait moins intéressantes. Il n’y a souvent pas grand-chose à en dire – les systèmes informatiques sont un territoire inconnu pour les journalistes, et les entreprises ne savent souvent pas comment le problème a été causé, ou ne veulent pas communiquer à ce sujet.

Les cybercrises entrent dans la catégorie des « situations de crise ambiguës », où l’on ne sait pas toujours qui est responsable.

Les études montrent que dans les cybercrises, les entreprises jouent souvent le rôle de victime et s’en tirent souvent à bon compte. Dans certains cas, les entreprises doivent admettre que leurs systèmes de sécurité ou de prévention étaient inadéquats. (Kuipers & Schonheit, 2022)

Nous constatons une évolution. Comme l’a fait remarquer à juste titre le journaliste informatique William Visterin, les personnes extérieures ont récemment été moins enclines à blâmer les entreprises pour les ransomwares :

Alors que dans le passé, on s’apitoyait parfois sur le sort des entreprises touchées (« à quel point ont-elles été négligentes ? »), aujourd’hui, on fait preuve de plus de compréhension. Aujourd’hui, on est tout simplement conscient qu’une telle cyberattaque peut toucher n’importe qui. Ce n’était pas le cas il y a quelques années. (William Visterin dans Computable, 2023)

En Belgique, l’année dernière, la couverture médiatique a principalement porté sur la cyberattaque dont a été victime la ville d’Anvers. En Wallonie, elle s’est accompagnée d’une couverture du collectif de hackers Plays.

5. Rappels de produits

Enfin, les rappels de produits sont toujours d’actualité.

Presque toutes les marques de produits de consommation sont confrontées à un moment ou à un autre à un rappel plus ou moins important – en raison d’erreurs ou de défauts dans les matières premières, d’erreurs de production ou d’erreurs d’étiquetage.

Pour les journalistes, il s’agit de sujets importants car ils constituent des « messages d’intérêt public », une catégorie irrésistible pour les médias.

Il suffit de penser aux nouvelles concernant le temps orageux (« restez à l’intérieur »), le soleil (« mettez de la crème solaire ») et les grèves (« évitez le Ring de Bruxelles »). Dans le cas des rappels de produits, cela devient « ne mangez pas et retournez l’article ».

Il est intéressant de constater que les rappels de produits sont plus fréquents dans L’Echo que dans De Tijd. Alors que De Tijd couvre 43 articles en un an, L’Echo en couvre 365.

L’attribution des rappels dépend fortement des circonstances. Les rappels sont souvent utilisés comme stratégie de réponse à une crise et, en tant que tels, peuvent simplement améliorer la réputation d’une entreprise.

Mais dans certains cas, l’entreprise est blâmée pour les rappels, par exemple s’il s’avère qu’un producteur avait déjà ignoré certains avertissements relatifs à la sécurité alimentaire, ou que l’entreprise a réagi trop tard lorsqu’elle a eu connaissance des problèmes, ou encore si l’impact de la crise a été très grave (décès ou blessures). (Voir également Yakut, 2018)

Que signifie concrètement cette recherche pour les entreprises ? Nous listons quelques conseils pour démarrer concrètement avec les résultats de notre recherche :

1. Créez (ou mettez à jour) votre plan de communication de crise.

Bien que seule une bonne moitié des entreprises dispose d’un plan de communication de crise, il ressort clairement de ce qui précède qu’un certain nombre de crises peuvent gravement nuire à votre réputation.

Il existe également de nouvelles tendances (comportement transgressif et cybernétique) qui font que certains plans doivent être mis à jour.

La connaissance de l’impact médiatique de certains types de crises peut aider à mieux évaluer certains risques et à s’y préparer. Par exemple, les crises liées à la fraude attirent beaucoup plus l’attention des médias que ce que les entreprises pourraient estimer.

Un plan de communication de crise complet comprend une « chaîne de commandement » pour annoncer la crise, une répartition des tâches avec les coordonnées des personnes à contacter (ainsi qu’un remplaçant pour chaque fonction), des processus de validation et d’établissement de rapports, une matrice des parties prenantes, différents scénarios de crises courantes ou attendues et un aperçu des documents à utiliser en temps de crise, tels qu’un modèle de déclaration d’exploitation.

2. Travailler sur vos antécédents (« bolstering »)

Un certain nombre de crises sont fortement reprochées aux entreprises, telles que les comportements transgressif et la fraude, mais aussi, dans certains cas, des questions telles que la sécurité (alimentaire) et la cybersécurité.

En tant qu’entreprise, vous ne pouvez jamais exclure qu’un employé dépasse les limites. Ce que vous pouvez faire, c’est établir un bilan en tant qu’entreprise engagée dans la prévention et la culture, afin de pouvoir vous en prévaloir ultérieurement. Cela peut se faire par le biais de certificats (ISO, « Meilleur employeur »,…) mais aussi par la communication interne et externe.

Dans la communication de crise, on parle de « bolstering ». Elle vous permet de dire en cas de crise : « Malgré nos processus solides en matière de sécurité, les pirates informatiques ont quand même réussi à… » ; « Nous avons une politique en matière de comportement transgressif depuis dix ans, mais nous devons malheureusement conclure que quelqu’un a quand même… ».

Une réputation positive avant la crise agit comme un tampon contre la perte de réputation pendant une crise. Fombrun’s distingue six aspects sur lesquels les entreprises peuvent bâtir leur réputation : financier, émotionnel, social, environnement de travail, vision et leadership, et produits et services. En cas de crise portant sur l’un de ces aspects, les cinq autres aspects « protègent » la réputation contre les dommages. (Fombrun, 2000)

3. Mettez en pratique votre plan de communication de crise

Un plan de communication de crise ne suffit pas.

Un plan de communication de crise sert principalement à soutenir l’organisation dans sa préparation à la crise et à guider les exercices autour des crises. Il n’est pas destiné à être utilisé en cas de crise – la première chose qui disparaît en cas de crise grave, c’est le temps et la largeur de bande passante dont dispose la direction pour consulter un manuel. Les processus et les scripts doivent devenir un automatisme au sein de l’entreprise.

Il est donc important de répéter les situations de crise avec la direction et les autres parties prenantes avant qu’elles ne se produisent.

Rappelez-vous la célèbre citation d’Achilochus : « Nous ne nous élevons pas au niveau de nos attentes ; nous tombons au niveau de notre entraînement ».

Contactez-nous dès aujourd’hui pour obtenir des plans de communication de crise professionnels ou une formation « à blanc » afin de préparer votre organisation à des situations de crise potentielles.

Sources

Coombs, T. (2007). Protecting Organization Reputations During a Crisis: The Development and Application of Situational Crisis Communication Theory. Corp Reputation Rev 10, 163–176. https://doi.org/10.1057/palgrave.crr.1550049

Fombrun, C.J., Gardberg, N.A., Sever, J.M. (2000), The reputation quotient: a multi-stakeholder measure of corporate reputation. Journal of Brand Management, vol.7, no.4, p.241-255.

Kuipers, S., & Schonheit, M. (2022). Data Breaches and Effective Crisis Communication: A Comparative Analysis of Corporate Reputational Crises. __Corporate Reputation Review__, __25__(3), 176–197. https://doi.org/10.1057/s41299-021-00121-9

Visterin, W. (2023, 13 april). Visterin Fileert: De cyberaanval bij TVH. Computable.be. Geraadpleegd op 24 april 2023, van https://www.computable.be/artikel/columns/security/7493628/5658341/visterin-fileert-de-cyberaanval-bij-tvh.html

Yakut, E. (2018). Examination of Product Recalls In Terms of Attribution Theory in the Marketing Context: A Qualitative Meta Analysis. 10.18657/yonveek.350583.

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