L’activisme des CEO est une forme spécifique de communication des CEO, où les chefs d’entreprise s’expriment publiquement sur des sujets sociaux et politiques brûlants. Pensez au climat, à la diversité et à l’inclusion ou – aux États-Unis – au contrôle des armes à feu.

Une étude néerlandaise a interrogé les CEO sur leur appétit pour l’« activisme », c’est-à-dire leur volonté de s’exprimer sur des questions de société qui ne sont pas directement liées à l’activité principale de leur entreprise. Il s’avère que ces derniers ne sont que peu impliqués.

Bien qu’ils soient largement d’accord pour dire que les chefs d’entreprise devraient s’exprimer sur les questions de société, les risques qu’ils anticipent les dissuadent de le faire en pratique.

Pour sa thèse* à la Rotterdam School of Management Erasmus University, Marisa Saba, professionnelle de la communication, a interrogé 15 CEO et membres du conseil d’administration de grandes entreprises néerlandaises (dont Dela, Corendon, AFAS Software, De Volksbank et une grande brasserie).

Elle voulait savoir dans quelle mesure la tendance à l’activisme des CEO aux États-Unis se propageait également aux Pays-Bas et si cela pouvait avoir un impact sur la fonction de communication d’entreprise.

Sa conclusion est qu’aux Pays-Bas, l’engagement des CEO est limité. Contrairement à leurs collègues américains très en vue comme Howard Schultz de Starbucks ou Mark Parker de Nike, les CEO néerlandais ne sont pas enclins à s’engager et à s’exprimer individuellement sur des questions sociales.

Un couteau à double tranchant

Les CEO se voient davantage comme des « connecteurs », des personnes qui créent des liens entre le monde extérieur et intérieur de l’entreprise, entre la société, les clients, les partenaires, les collaborateurs potentiels et les autres parties prenantes.

Un CEO qui s’exprime sur une question sociale particulière qui n’est pas directement liée à l’activité principale de son entreprise peut favoriser le lien entre l’organisation et les parties prenantes, notamment les collaborateurs actuels et futurs. De cette façon, il peut créer des connexions et accroître la fidélité à la marque.

Les CEO s’accordent à dire que les chefs d’entreprise devraient exprimer leurs opinions ou prendre des mesures, mais ils ne le font pas.

Mais les déclarations du CEO peuvent également offenser d’importantes parties prenantes, causant ainsi des dommages irrévocables. Cette crainte est très présente chez les CEO interrogés. L’expression de leurs opinions est considérée comme un couteau à double tranchant et, en fin de compte, les risques (pour la réputation) semblent l’emporter sur les avantages possibles dans les considérations des CEO.

Il convient de constater qu’il existe un écart entre ce que font et ce que pensent les CEO. Malgré leur réticence à faire eux-mêmes des déclarations, 10 des 15 CEO interrogés (deux tiers) ont une opinion positive de l’activisme des CEO. Ils sont d’accord pour affirmer que les chefs d’entreprise doivent exprimer leurs opinions ou prendre des mesures sur des questions controversées. Toutefois, ils (ou du moins 80 % d’entre eux) ne ressentent pas encore de pression à agir en ce sens de la part de la société, contrairement à ce que nous constatons aux États-Unis. Seuls trois CEO ressentent parfois une pression de la part de leurs collaborateurs.

Les connaissances : plus importantes que l’ego

Conformément à l’image des travailleurs acharnés calvinistes que l’on se fait des Pays-Bas, les CEO interrogés estiment qu’ils tirent leur autorité principalement de leurs connaissances pertinentes sur un sujet donné, plutôt que du poste qu’ils occupent. Ils refusent tout excès d’ego. En ce sens, ils reflètent également l’attitude de nombreux CEO belges, qui craignent d’être considérés comme de « beaux parleurs ».

Marisa Saba constate une exception au niveau des entrepreneurs privés, qui peuvent parler plus librement, et des « captains of industry » des grandes entreprises.

Marisa Saba : « Des CEO comme Paul Polman (Unilever), Frans van Houten (Philips) ou Feike Sijbesma (DSM) interviennent souvent dans les médias en exprimant des opinions claires. Les médias eux-mêmes jouent un rôle important à cet égard. Lorsqu’une nouvelle question controversée se pose, les journalistes sont plus susceptibles de leur demander leur avis qu’à des CEO moins connus. C’est ainsi que se crée un cercle vicieux, dans lequel les mêmes noms reviennent souvent sur les mêmes questions dans les médias. » (voir blog FINN « The Matthew Effect »).

Unissez-vous

Ne se considérant pas comme des « activistes », de nombreux CEO privilégient une approche collective plutôt qu’individuelle pour sensibiliser le public. Par exemple, en formant une coalition de CEO ou en confiant cette tâche à des associations professionnelles. Un exemple réussi est celui de l’Association bancaire néerlandaise, qui a réuni 50 institutions financières dans un engagement commun en faveur d’objectifs climatiques.

Des initiatives similaires apparaissent également de plus en plus en Belgique, bien que cela ne se fasse pas toujours dans le giron des fédérations, comme SignForMyFuture, DigitAll, The Shift et CEOs4Climate.

Quels sont les points intéressants à retenir pour les professionnels de la communication ?

Conclusion #1 : Traditionaliste ou activiste ?

Sur la base de son enquête, Marisa Saba a élaboré un modèle intéressant qui peut servir de point de départ aux professionnels de la communication.

Marisa Saba voit 4 catégories de facteurs qui déterminent le comportement d’un CEO : les influences extérieures, le secteur dans lequel l’entreprise opère, le type d’organisation et la personnalité du CEO.

Elle en déduit trois profils de CEO :

  • « Traditional »
  • « Activist »
  • « Silent »

En fonction du profil choisi, vous pouvez poursuivre différents objectifs, d’une position plus défensive (« protéger la marque ») à une approche plus proactive, où vous activez les parties prenantes et recherchez un véritable changement social.

Conclusion #2 : Grande ou petite entreprise ? Les opportunités sont différentes

Votre CEO dirige une grande entreprise multinationale ? Il peut alors y avoir des parties prenantes plus sensibles à gérer et/ou d’autres qui ont le bras long. Mais vous avez aussi l’occasion de faire de votre chef d’entreprise un « captain of industry ». Et de bénéficier ainsi du « Matthew effect ».

À l’inverse, si vous travaillez pour une petite organisation avec un entrepreneur dynamique, vous aurez peut-être plus de liberté pour vous exprimer.

Dans tous les cas, l’approche choisie sera toujours différente. Analysez bien la situation dans laquelle se trouve votre CEO et les possibilités qui en découlent.

Conclusion #3 : S’associer avec d’autres ? Oui, mais pas seulement

Est-il intéressant de rejoindre des organisations faîtières comme les fédérations professionnelles ou des initiatives comme « SignForMyFuture » ? C’est une option. Pour de nombreux CEO, il peut s’agir d’une première étape sûre pour prendre position dans la société.

Mais ceux qui se fondent dans le groupe n’en récolteront pas non plus les bénéfices (comme une plus grande fidélité à la marque).

Si vous rejoignez une initiative de plus grande envergure, n’oubliez pas de communiquer – ne serait-ce que sur vos propres canaux – à propos du pourquoi et du comment de votre action.

Conclusion #4 : Rester vigilant

Les CEO ne savent que trop bien que le monde change. Nous constatons que la peur d’exprimer des opinions tranchées sur les sujets de société, comme il en ressort des entretiens de l’enquête, est également largement répandue en Belgique. Mais en même temps, on se rend de plus en plus compte que le rôle d’une entreprise est interprété différemment aujourd’hui qu’il y a dix ans, par exemple. La recherche de sens dans de nombreuses entreprises n’en est qu’un exemple visible.

Marisa Saba : « Certains chefs d’entreprise interrogés pensent que l’activisme des CEO est en hausse aux Pays-Bas. Ils estiment que les attentes à l’égard des CEO pour qu’ils s’expriment vont augmenter, notamment sous l’influence des millennials, de l’évolution de la société et des pressions politiques et sociales. Pour ces dirigeants, cela revient à dire clairement ce qu’on défend en tant qu’entreprise, et à montrer comment vous allez porter le changement. »

On peut également se demander pour combien d’entreprises des sujets comme la diversité, le climat et l’inclusion n’ont pas d’impact « direct » sur leur activité principale. De moins en moins. Il devient donc plus important pour les CEO – le visage des entreprises – de s’exprimer sur ces sujets. En effet, ces thèmes semblaient autrefois loin de leurs préoccupations et responsabilités, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Conclusion #5 : Quels thèmes ?

Les sujets sur lesquels un CEO doit s’exprimer dépendent de l’entreprise, du secteur et du CEO lui-même.

Pour vous inspirer, voici la liste des sujets de société les plus fréquemment mentionnés et les plus pertinents selon les chefs d’entreprise néerlandais de l’étude :

  • Durabilité
  • Changement climatique
  • RSE
  • Diversité
  • Inclusion
  • Marché du travail

Sources

* »CEO Activism in the Netherlands. What drives business leaders to speak up on social, political, and environmental issues? The applicability and strategic implications of CEO activism in the Netherlands », Marisa Saba, Nov. 2019.

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